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Dis-moi tes péchés ?...
père Pierre Jarry

Dans mon enfance les homélies portaient rarement sur l'Evangile, mais sur la morale, les péchés, l'enfer, le purgatoire, les sacrifices pour expier ses péchés, gagner des mérites pour le Paradis. Il fallait se confesser tous les mois ou tous les quinze jours, ou encore toutes les semaines. Qu'est-ce que Jésus enseigne : la peur, l'angoisse, le remord, la contrition, l'aveu des péchés ?…Donne-t-il une pénitence ?

* Quand IL dit au paralytique : " Tes péchés sont pardonnés ! "
Le paralytique ne lui a avoué aucun péché. Il n'a demandé pardon d'aucun péché !.
* Quand Jésus parle à la samaritaine : ce que la loi interdisait à un juif !...IL la met en face de sa vie
:
"Va, appelle ton mari "
" Je n'ai pas de mari " " L'homme avec qui tu vis, n'est pas ton mari… " Là encore Jésus ne lui demande qu'une chose : voir la réalité de sa vie et de décider ce qu'elle doit faire
* Et avec la femme adultère, Jésus met chaque accusateur en face de sa conscience, de sa vie. IL ne juge pas. IL ne condamne personne, ne donne aucune pénitence à la femme, mais lui dit
:
" JE ne te condamne pas, va, et ne pèche plus "
* Avec la prostituée, chez Simon, Jésus ne lui demande pas, si elle couche tous les jours avec des hommes, mais IL regarde son courage pour affronter les pharisiens, sa délicatesse, ses larmes, son amour et dit : " Parce qu'elle a beaucoup aimé, ses nombreux péchés lui sont pardonnés "
* Jésus agit ainsi avec Zaché-Levi et tous les pécheurs.

Ce qui est premier chez Jésus : ce n'est pas : " dis-moi tes péchés ", mais " m'aime-tu, crois-tu en Moi ? " Jésus vient pour nous apporter le salut et le proposer à tous. Pour Lui, l'essentiel, c'est l'Amour de Dieu et non le péché. Que de fois, j'ai entendu, depuis 1970, " Les chrétiens ont perdu le sens du péché… " Je disais : " Non, c'est le sens de Dieu qu'ils ont perdu, le sens de l'Amour de Dieu, le sens du pardon, de la réconciliation " Ce qui est certain, c'est que nous sommes une bonne terre, bien ensemencée, mais où l'ennemi sème de l'ivraie. Selon Jésus, cette ivraie sera en nous jusqu'à notre mort, notre accueil total de l'Amour. Alors, nous serons totalement libérés, délivrés. Pour Jésus, ce n'est pas le péché qui compte, mais les actes d'amour, de partage, d'accueil, d'écoute et de libération : briser les liens de tout esclavage, nourrir, vêtir la veuve et l'orphelin, loger le sans abri, soigner les malades etc… (Matthieu 25-31ss). Il ne s'agit pas de faire ceci ou cela, mais d'aimer par des actes concrets. Pour les angoissés, les personnes remplie de culpabilité, de remord, Jean nous dit :
" A cela, nous saurons que nous sommes dans la Vérité et devant Lui (Dieu) nous apaiserons notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur et IL connaît tout. Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons pleine assurance, devant Dieu, quoique nous Lui demandions, nous le recevons de Lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable " (1 Jean 3- 19-22)

Car " quiconque demeure en Lui, ne pèche plus. Quiconque pèche, ne l'a vu, ni connu " (1 Jean 3-16)

" Quiconque est né de Dieu…ne commet pas le péché, parce que sa semence demeure en lui. IL ne peut pécher, étant né de Dieu " (1 Jean 3-19)

Il semble bien que pour Jean il n'y a que celui qui ouvre son cœur à Satan qui commet le péché :
" Celui qui commet le péché, est du diable, car le diable est pécheur dès l'origine " (1 Jean 3-8)

En effet, Jean nous dit :
" Il ne s'agit pas de ceux qui commettent le péché conduisant à la mort, car il y a un péché qui conduit à la mort ; pour ce péché-là je ne dis pas qu'il faut prier. Toute iniquité est péché, mais il y a tel péché qui ne conduit pas à la mort " (1 Jean 5-16-17)

Quel est ce péché qui conduit à la mort ? : Celui contre l'Esprit Saint (Matthieu 12-11) : l'apostasie des antichrists (1 Jean 2-18ss et Hébreux 2-4-6) Jusqu'à présent, il n'a guère été question de ce péché qui conduit à la mort : au fond, le péché mortel qui nous sépare totalement de Dieu, quel est-il ? Tous les autres péchés ne conduisent pas à la mort, mais à une diminution de vie avec et pour Dieu, donc à une perte de paix, de joie, d'amour, à une vie chrétienne au ralenti où se mêlent joie et tristesse, angoisse, peur, remords, ennui et même un certain dégoût de vivre, une diminution de vie. Et tout cela peut disparaître grâce au pardon de Dieu qui nous permet de nous réconcilier, avec nous-mêmes, avec les autres, avec Lui.

Comment se réconcilier avec Dieu, avec soi et avec les autres ?
Certainement pas en disant comme nous l'avons appris : " mon père, je m'accuse !... " J'ignore qui a trouvé cette formule, mais il devait ignorer Apocalypse 12-10. " C'est Satan qui nous accuse, jour et nuit, devant notre Dieu " D'autre part, Jésus, qui est Dieu, n'accuse personne : IL n'a jamais dit à quelqu'un : " Accuse-toi devant Moi de tout le mal que tu as fait "
" Ne pensez pas que je vous accuserai auprès du Père. Votre accusateur, c'est Moïse, en qui, vous avez mis votre espoir " (Jean 5-45 ss)
L'accusateur est Satan, lui, le menteur. Saint Paul écrit :
" Je ne me juge pas moi-même…mon juge, c'est le Seigneur " (1 Corinthiens 4-3-4)
Devant Dieu, en effet, nous ne sommes pas comme devant un tribunal des hommes où l'on vous dit : " Accusé, levez-vous ! " Souvenons-nous du père courant vers son fils perdu et retrouvé : voilà notre ABBA que Jésus lui-même nous révèle. C'est sans doute comme cela que Abba voudrait voir son Eglise, ses prêtres accueillir les pécheurs que nous sommes. Dieu ne traduit pas ses enfants devant sont saint tribunal, car IL n'a pas de tribunal : IL est Amour et Pardon. Dire : Je m'accuse : c'est se juger soi-même. Ce que nul ne doit faire. Autre chose est de se mettre en Présence de Dieu, comme un petit enfant devant son papa ; en toute confiance, car nous sommes pardonnés avant même de demander pardon. Il est temps de cesser de voir Dieu comme un justicier.

Examen de conscience
Les textes d'examen de conscience pour se préparer à une bonne confession prévoyaient toutes les situations peccamineuses, comme on disait. Or l'Eglise nous demande, depuis le concile, de prendre un texte de la Parole de Dieu et de voir comment nous avons vécu cette Parole ? Dieu d'abord, nous ensuite, et non je me regarde d'abord au lieu de regarder Dieu. Se réconcilier avec Dieu, ce n'est pas lui débiter une liste de péchés qui ne signifie rien, mais de se mettre en face de ABBA qui nous presse contre son cœur et ainsi change le cœur et la vie de son enfant. Le but du sacrement de réconciliation n'est pas la liste de péchés, mais ma conversion : donc ouvrir mon cœur à l'Amour de Dieu, comme l'enfant perdu et retrouvé, afin de participer à la Joie de Dieu et être comblé de Joie.

Pourquoi l'Eglise a-t-elle donné une telle place au péché ?
Il me semble qu'au début de l'Eglise, il était impensable que celui qui avait été baptisé, retourne à Satan…même sous la torture. Saint Cyprien a plaidé la cause des " lapsi " afin qu'ils puissent être réintroduit dans l'Eglise (3eme siècle) Constantin a attendu la fin de sa vie pour être baptisé (4eme siècle) sachant qu'empereur, il lui serait impossible de ne pas commettre de péchés graves. A cette époque, la confession annuelle n'existait pas. Devant les difficultés, l'Eglise a permis aux baptisés de recevoir ensuite une fois dans leur vie un " pseudo-baptême " = une réconciliation avec l'Eglise après des fautes graves et publiques. C'est le commencement du sacrement de réconciliation. Mais les chrétiens par l'apôtre Jacques dit : " Confessez donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris " (Jacques 5-16)
Ce sont les moines irlandais qui ont introduit ce qu'ils appelaient " la confession de dévotion " donc non obligatoire. Charlemagne a voulu rendre cette confession obligatoire. Cela n'a guère fonctionné. Ce qui est certain, c'est que les siècles de chrétienté, n'étaient pas des siècles vraiment chrétiens. Les chrétiens ne communiaient plus et ne se confessaient pas. C'est pourquoi au Concile de Latran 1215, la décision a été prise de demander à tous les chrétiens de se confesser au moins, une fois, l'an, à son curé et de communier au moins à Pâques, chaque année.

Comment Jésus a-t-il parlé avec les pécheurs et les publicains ? Jésus, lui, remet les péchés sans examen de conscience, sans poser de question. Lui, Il regarde, aime, pardonne…C'est pourquoi, IL a raconté l'histoire du Père qui court vers son enfant perdu et retrouvé… Pourquoi voir le péché partout. Dieu, Lui, ne juge pas, ne condamne personne, mais IL sauve. Jésus n'a donné aucune pénitence, à qui que ce soit, mais sa Miséricorde, son Amour changeaient les cœurs.
" Mais SEIGNEUR, TU as pitié de tous parce que TU peux tout et TU détournes les yeux des péchés des hommes pour les amener au repentir… (Sagesse 11-23-24)
L'essentiel dans le sacrement de réconciliation, ce ne sont pas nos péchés mais la mise en Présence de la Tendresse, de la Miséricorde, de l'Amour, du Pardon de Abba qui nous convertit.
Pourquoi avons-nous culpabilisé des personnes par le " permis, défendu, légal, illégal. Le péché n'est-il pas un manque de foi, d'espérance et d'amour ? Un refus d'aimer Dieu, de s'aimer et d'aimer les autres. Dieu seul, sonde les reins et les cœurs. C'est pourquoi tout prêtre doit faire confiance au pénitent et le placer en face de l'Amour miséricordieux du Père. Est-ce que les papas et les mamans n'aiment plus leur petit enfant parce qu'il a fait une bêtise ? Malheureux parents qui ne savent pas pardonner : c'est le signe qu'ils ne savent pas aimer. Devant Dieu, nous restons des tout-petits ; C'est pourquoi, il sait que nous sommes faibles, car poussière, mais " Dieu est riche en miséricorde à cause du grand amour dont il nous aime…(Ephésiens 2-4-10)
N'allons pas mettre une limite à cette miséricorde de Dieu, à son Amour pour nous. A chacun de nous, comme à Pierre, Jésus dit : " M'aimes-tu ? "
Comme Thérèse de Lisieux, soyons Amour : " Dans l'Eglise, ma mère, je serai l'Amour "
Saint Paul nous rappelle dans sa première lettre aux corinthiens (13-1-7) que :
" L'amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout "
Donc, l'Amour, Dieu est Amour, ne juge personne, ne condamne personne, ne punit personne, mais pardonne sans rien exiger, car l'Amour se donne toujours gratuitement et donne tout : donc le pardon, aussi gratuitement. (Luc 15-11ss) Toute réconciliation avec Dieu doit comporter une réconciliation avec soi-même et avec les autres, sinon, il n'y a pas conversion. Or qui dit " sacrement de réconciliation " dit conversion à l'Amour du Père.

Les chrétiens catho ne se confessent plus
Or tous ceux qui participent à l'Eucharistie, commencent toujours par demander pardon, au début de chaque messe : Prière pénitentielle, puis dans le Notre Père, dans l'Agneau de Dieu et avant de communier :
" Seigneur, je ne suis pas digne de TE recevoir… "

Est-ce que nous croyons à ces paroles : oui ou non ? Si oui : j'ai appris que tous nos péchés non mortels étaient pardonnés par ces prières. Si je crois et vis ce que je dis : chaque jour, je me reconnais pécheur et je suis pardonné par Jésus lui-même, dès lors que je célèbre l'Eucharistie ou y participe. Croyons à ce que nous disons et sachons que Dieu n'est pas sourd. Je tiens à souligner que Dieu, parce qu'IL est Amour, ne tient pas de livre de comptabilité de nos bonnes et mauvaises actions, de nos mérites ou non mérites. Dieu regarde le cœur. C'est pourquoi nous ne voyons bien qu'avec le cœur. Un seul commandement pour vivre en chrétien :
" Aimez-vous, les uns, les autres, comme JE vous aime "

Cela vaut mieux que toutes les lois, car seul l'Amour rend libre !...
Pierre Jarry, prêtre

 

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